Un seigneur et démiurge dont les coffres vides minaient le moral, tint un jour conseil. Il fut bref et les membres dudit conseil n’eurent à cette occasion, jamais autant de raisons de regretter l’honneur, qu’en les mandant on leur faisait, qu'ils avaient jusqu’au lendemain matin pour trouver le moyen d’engranger les deniers, sous peine d’être embrochés sans autre forme de procès.
L’affaire semblant perdue d’avance, certains s’enivrèrent jusqu’aux aurores, d’autres, dans la crainte de la mort, embrassèrent femme et enfants et sans pouvoir fermer l’oeil de la nuit, attendirent le funeste dénouement.
Le jour venu néanmoins, à leur grand soulagement, il s’en trouva un pour répondre à son souverain. On l’écouta religieusement en priant que son idée en reçût l’agrément.
- « Je ne suggère pas un nouvel impôt » commença t’il prestement. « Ils sont impopulaires et il n’y en a que trop. Je propose en quelque sorte un tournoi pour les gueux, qui par naissance vous le savez, n’ont accès ni à la gloire ni aux honneurs gagnés sur les champs de bataille mais uniquement au fruit de leur labeur. »
- « En quoi ces réjouissances rempliront elles mes coffres ? »
A cet instant, beaucoup baissèrent la tête, craignant le pire...mais le pire n’advint pas
- « Mettons en place une course de gueux, disons, plusieurs dizaines de lieues à parcourir à pied dans la boue et dans la fange. Cela ne sera guère dispendieux.
Le spectacle en sera déjà en soi fort plaisant. L’intérêt principal n’est cependant pas là. Il réside plutôt dans les règles qu’à notre façon, nous édicterons comme bon nous semblera.
A chaque fois qu’un participant vous versera son obole, un mulet lui sera fourni pour parcourir 1 lieue et ainsi déroger aux règles pré établies... L'effet d'entrainement sera immédiat. Chacun voudra son mulet et autant de fois qu'il le pourra… Au final, ce n’est pas le plus méritant qui gagnera mais celui qui aura le plus contribué par ses deniers.
Qu’importe du moment qu’il s’en trouve content ...et que ce faisant vos coffres se seront remplis.
Quelle plus belle invention assurément que cette contribution volontaire ? ...Un impôt dont personne ne se plaindra, que beaucoup payeront en feignant de n'en avoir rien fait et qui au final ne nécessitera en échange que force flatteries et un peu de verroterie … »
